Voici le récit de l’EMI de Jean : elle comporte beaucoup d’éléments intéressants, en particulier un étonnant voyage dans l’espace et le lien stupéfiant avec ses parents, qui vivaient alors à plusieurs milliers de kilomètres et ne savaient – apparemment – rien de ce qu’il était en train de vivre. J’ai conservé le style oral de nos échanges.
Un accident à Moscou
J’ai 49 ans et je vis en Bretagne. Je suis parti à Moscou en 2000 rejoindre des amis russes. Je faisais aussi de la méditation dans un centre bouddhiste, même si je ne suis pas religieux
J’avais découvert la méditation quelques mois avant et j’allais méditer tous les soirs dans un centre de bouddhisme tibétain. Lorsque mes amis n’ont plus pu me loger, j’ai été accueilli par les bouddhistes.
Un matin, je suis tombé sur une fenêtre et mon bras est passé à travers. L’artère a été coupée ; le sang partait très vite. Les secours sont arrivés rapidement, mais j’avais déjà perdu les trois quarts de mon sang ; le médecin me l’a précisé ensuite. Normalement, j’aurais dû mourir.
J’ai été conduit à l’hôpital dans un brancard, je voyais les plafonds défiler au-dessus de moi. J’ai été amené dans une pièce assez froide. Je me suis endormi du fait de l’anesthésie générale. L’EMI est arrivée pendant l’opération.
Comme si ma famille était présente
Soudain, mes parents et ma sœur étaient à côté de moi, comme s’ils étaient présents physiquement dans la salle. Je pense qu’ils étaient là parce que j’étais en train de vivre un moment important pour moi. Tout à coup j’ai commencé à me soulever dans l’air. Je voulais rester avec ma famille, mais c’était impossible, je ne pouvais pas résister. J’ai été entraîné à 30 mètres de hauteur environ. C’était curieux car j’étais à la fois en Russie et en France. À un moment, j’ai vu apparaître la ville de mon enfance et l’école maternelle où j’étais.
Une nouvelle compréhension de ma vie
J’ai vu ma vie entière d’un seul coup. Je n’ai pas perçu les détails, mais l’ensemble d’un seul coup, en un instant. Mon attention était focalisée sur mon école maternelle et j’ai pris conscience que ce qui s’est passé là avait conditionné toute ma vie. Le reste n’était que la conséquence de ce que j’ai vécu pendant mes années de maternelle.
Un voyage dans l’espace
Puis j’ai de nouveau été aspiré vers le haut, je ne voulais toujours pas partir, j’ai ressenti un attachement émotionnel très fort au territoire où j’ai grandi et vécu. J’étais très fortement relié à ces lieux, mais j’ai été arraché et je continuais à monter. Je suis passé au-dessus de la Méditerranée et j’ai quitté l’atmosphère terrestre.
Je me suis retrouvé dans l’espace entre la Terre et la Lune. Tout était noir, sauf les étoiles. J’étais étonné d’être là ; c’était noir et silencieux. Je percevais une Présence et, pourtant, je me sentais dans une totale solitude, même si ce n’était pas douloureux comme solitude. Il y avait une espèce d’immense Présence dont je faisais partie, je ne sais pas expliquer, mais c’était très fort.
Je pouvais voir à 360 degrés et dans tous les sens, en bas, à droite, à gauche. Je pouvais aussi aller dans tous les recoins de l’univers et revenir instantanément.
Je comprenais les mystères de l’univers
J’avais l’impression de comprendre, enfin, tous les mécanismes du monde, l’envers du décor. Maintenant je serais incapable d’expliquer tout cela, mais sur le coup je comprenais tout.
J’ai perdu tout souvenir de la terre, de mes proches, de mon pays ; tout ça avait complètement disparu. Ça n’avait plus aucune importance, j’avais tout oublié.
Je n’avais pas de corps, mais je me suis vu comme un petit point. J’ai commencé à avancer et j’ai vu qu’il y avait plein d’autres petits points, des milliers de petits points comme moi. Nous avons tous avancé dans la même direction et ça a commencé à s’accélérer.
J’ai commencé à avoir peur et j’ai essayé de sortir de ce courant qui m’entraînait. J’ai fait comme quand on est dans une rivière : j’ai essayé de viser un bord pour m’en rapprocher. Mais c’était impossible, j’étais totalement aspiré. Au bout d’un moment, j’ai réalisé que le courant était trop fort pour moi et je me suis laissé aller. Ça allait à une très grande vitesse.
Entrainé vers la lumière
Puis j’ai vu, loin devant nous, une lumière vers laquelle nous nous dirigions. J’ai senti que de l’autre côté de la lumière, il y avait beaucoup de vie et que j’étais attendu. C’était un peu comme une naissance. Je sentais aussi que de l’autre côté de la lumière, il y avait des personnes qui me connaissaient, qui m’attendaient et qui m’aimaient, mais j’étais incapable d’identifier qui étaient ces personnes. En tout cas, je percevais que de l’autre côté c’était très vivant et que j’étais attendu. Je sentais qu’il y avait des gens qui m’aimaient et m’attendaient, mais je ne pouvais pas y aller car, au dernier moment, ma trajectoire a bifurqué.
Je suis passé en bas à droite de la lumière et je me suis retrouvé dans une zone très tumultueuse, avec de très fortes secousses, comme un avion avec des turbulences. C’était stressant et très difficile psychologiquement. C’était le moment le plus difficile de l’expérience. J’étais bousculé dans tous les sens.
« On » cherche à m’aider
J’ai senti autour de moi des êtres que je n’arrivais pas à identifier, assez grands, et qui cherchaient à m’aider. Je comprenais qu’ils étaient très motivés pour me soutenir et qu’ils auraient donné leur vie pour m’aider. Je ne pouvais strictement rien faire sauf les laisser faire. J’ai essayé de les aider à m’aider. Je me laissais aider et j’acceptais ce qui m’arrivait. Petit à petit, ça s’est calmé et je me suis retrouvé dans la salle de réveil.
Quand j’ai vu un médecin, je lui ai raconté grosso modo ce que j’avais vécu, pas en détail. Il avait l’air interloqué et est sorti en me regardant bizarrement.
Mes parents en lien avec moi
Ce qui est aussi très étonnant, c’est ce qu’ont vécu mes parents pendant mon EMI, alors qu’ils ne savaient rien de ce qui m’arrivait. À l’heure qui correspond au début de l’opération, mon père, qui dormait, a été réveillé brutalement par un appel à l’aide de ma part. Il m’a expliqué : « Ce n’était pas comme dans un rêve. C’était réel, bref et intense ».
Le lendemain matin, mes parents sont allés au marché et là, ma mère a eu une crise de larmes très intense, comme elle n’en a jamais eu. Elle pleurait sans savoir pourquoi. Ma mère s’est sentie très mal et ils ont été obligés de rentrer à la maison. Elle avait l’impression que quelque chose de difficile se passait pour moi. Elle a essayé de m’appeler, mais elle est tombée sur le répondeur. Ce n’est que le jour suivant qu’ils ont reçu un appel de l’hôpital à Moscou et qu’ils ont organisé mon rapatriement.
J’apprends bien plus tard que j’ai fait une EMI
Je trouvais mon expérience tellement bizarre qu’au départ je n’en ai parlé à personne d’autre qu’au médecin à Moscou. J’ai dit des petites choses à mes parents, par bribes, sans détails et au bout de plusieurs mois.
Surtout, je ne savais pas que c’était une expérience de mort imminente. Je ne l’ai appris que 10 ans plus tard. En discutant avec quelqu’un avec qui je travaillais, il m’a raconté son EMI. Je me suis dit que ça me rappelait ma propre expérience et je la lui ai racontée. Je me rappelais tout, très précisément.
C’est lui qui m’a expliqué que j’avais vécu une EMI. Ensuite, je me suis renseigné, j’ai lu le livre de Raymond Moody, La vie après la vie, puis un livre de Jeffrey et Jody Long. Puis j’ai arrêté de lire sur ce sujet. Quelques années après, je me suis de nouveau intéressé aux EMI et j’ai contacté Jeffrey Long. J’ai traduit en français quelques récits d’EMI pour le site de la NDERF[1], et mon propre récit est d’ailleurs sur ce site.
Après, j’en ai parlé quelques fois à des personnes autour de moi. C’est plus facile d’en parler maintenant ; les gens sont plus ouverts à cela.
Quels impacts sur ma vie ?
C’est difficile à dire car à cette période je vivais une période très accidentée de ma vie. Du coup, j’ai du mal à voir ce que cela m’a apporté. Les années qui ont suivi ont été très compliquées, avec beaucoup de traumatismes.
10 ans après, je me suis mis à pratiquer le bouddhisme tibétain. En 2010, de nouveau dans une période troublée, je devais partir à Berlin. La veille du départ, j’ai eu devant moi l’image d’un groupe de personnes. Ce n’était pas une hallucination : je ne voyais pas leurs visages, mais je sentais nettement la présence d’un groupe. Je sentais que c’étaient des proches, des gens que je connaissais. Je me disais : « J’appartiens à ce groupe », même si je ne savais pas qui c’était. J’ai eu l’intuition forte qu’il s’agissait du groupe bouddhiste que j’avais fréquenté à Moscou.
J’ai effectué une recherche sur Internet et découvert qu’ils avaient également des centres à Berlin et à Paris. À Berlin, je suis allé les voir et j’ai recommencé à pratiquer avec eux. Une fois de retour à Paris, j’ai repris la pratique avec eux, pendant plusieurs années, toujours sans être religieux pour autant.
La méditation m’a été utile
Je relie ce désir de pratiquer la méditation bouddhiste à mon EMI, même si je ne sais pas pourquoi. En tout cas, la méditation me permet de retrouver un état proche de ce que j’ai vécu pendant mon EMI. Ensuite je me suis détaché des groupes bouddhistes : je ne me sentais pas suffisamment en phase avec eux.
Un autre changement à la suite de mon EMI est la perception du temps : j’ai parfois l’impression que le temps n’existe pas. Même dans ma vie réelle, je me sens parfois hors du temps et décalé par rapport à la société.
Je n’ai plus peur de la mort
Mon rapport à la mort a changé aussi : je ne suis pas angoissé par l’idée de mourir. Je sais qu’on bascule vers autre chose, qu’il y a une vie après la vie sur Terre.
Je ne me suis pas senti déprimé après mon EMI, mais il est vrai qu’à cette période j’étais dans une phase de ma vie très difficile. J’ai l’impression d’avoir intégré paisiblement mon EMI.
Pour lire d’autres témoignages d’EMI : le site de la NDERF propose de très nombreux récits d’EMI, dont une partie en français, des vidéos, des livres, etc.
Pour d’autres témoignages sur ce site, voyez cette page
[1] Near-Death Experience Research Foundation – Fondation pour l’Étude des EMI
